mercredi 28 septembre 2016

Anna

"Anna n'éprouvait ni peur ni dégoût. Cette chose-là, ça n'était pas sa mère. Devant ces restes, la fillette pressentit que la vie est un ensemble d'attentes. Parfois si brèves qu'on n'a pas le temps de s'en rendre compte, parfois si longues qu'elles semblent infinies, mais avec ou sans patience, elles ont toutes une fin."


Auteur : Niccolo Ammaniti
Titre VO : Anna
Traduction : Myriem Bouzaher
Editeur : Grasset
Genre : Science-Fiction
Date de parution : 14 septembre 2016
Nombre de pages : 320
Prix : 20 €
Prix Kindle : 14,99 €

Rentrée littéraire 2016


4e de couverture :

Sicile, 2020. Un virus mortel, « la Rouge », a déferlé sur l’Europe quatre ans auparavant et décimé la population adulte ; les jeunes, eux, sont protégés jusqu'à l'âge de la puberté. Anna se retrouve seule avec Astor, son petit frère de quatre ans.
Elle doit affronter le monde extérieur avec ses cadavres, ses charognards, ses chiens errants et affamés, l’odeur pestilentielle, pour trouver, quand il en reste, des médicaments, des bougies, des piles, des boîtes de conserve, avec comme unique guide dans cette lutte pour la survie, le cahier d’instructions que lui a légué leur mère avant d’être emportée par la maladie.
Lorsqu’Astor disparaît, Anna part à sa recherche, prête à défier les bandes d’enfants sauvages qui errent à travers les rues désertes, les centres commerciaux et les bois. Mais l'ordre appartient au passé et les règles d'autrefois ont été oubliées. Pour réussir à sauver Astor, Anna va devoir en inventer de nouvelles, parcourant ce monde à l'abandon où la nature a repris ses droits, ne laissant que les vestiges d'une civilisation qui a couru à sa propre perte.
Une véritable odyssée des temps modernes où s'entremêlent lumière et ténèbres, un duel permanent entre la vie et la mort.

Mon Avis

Tout d'abord, cette belle couverture rouge écarlate. Puis, ce résumé qui me faisait fortement penser à La Route de Cormac McCarthy, le premier roman post-apocalyptique que j'ai lu. Voilà pourquoi j'ai sollicité ce titre auprès des éditions Grasset, que je remercie ainsi que NetGalley.

Ici, un virus dévastateur, "la Rouge", s'est propagé de la Belgique au monde entier en 2016, tuant toute la population adulte. Il reste en sommeil chez les enfants, jusqu'à leur puberté : vers 14 ans, le virus se déclare et l'individu n'a aucune chance de survivre. Attention, il ne s'agit pas d'un roman de zombies. Ici, cette maladie se déclare par des taches rouges, la fièvre et la toux. Quand nous débutons notre lecture, nous sommes en 2020, en Sicile. Anna, 13 ans, veille seule sur son frère Astor, environ 8 ans, qu'elle garde cloîtré chez eux dans leur domaine. Comme souvent, Anna part en expédition chercher à manger en ville. Lorsqu'elle arrive au domaine, elle s'aperçoit qu'Astor a disparu. Elle part à sa recherche. Elle rencontre de bonnes personnes, comme d'autres beaucoup moins sympathiques. Mais certaines deviendront ses compagnons de route. Une quête, de Castellammare à Messine en passant par Palerme et Cefalu, commence alors.

Le personnage d'Anna m'a beaucoup plu. Depuis ses 9 ans, elle se débrouille seule, à partir d'un cahier "de choses importantes" laissé par sa mère avant de mourir. Sans eau, sans électricité, sans aucun adulte, sans aucune aide extérieure. Elle a en charge son petit frère, à qui elle doit apprendre à lire pour que lui aussi se débrouille seul lorsqu'elle ne sera plus là. Elle porte une immense responsabilité sur ses courtes épaules. Elle est extrêmement lucide pour son âge, mais elle peut également entrer dans une colère noire jusqu'à tout casser autour d'elle. Cette dualité rend le personnage d'Anna riche et profond. Anna connaîtra les pires dangers mais elle s'en sort à chaque fois.

Les autres personnages sont aussi attachants les uns que les autres. Il y a Astor, le frère d'Anna, totalement immature contrairement à sa sœur ; Pietro, un peu plus âgé qu'Anna, brave gamin débrouillard qui est un rayon de soleil dans ce monde plein de cendres ; Câlinou, le chien-"démon" qui a un lien très fort et très touchant avec Anna et son frère.

D'une part, Anna est un roman plein de dualités.
L'obscurité / la lumière :
Ce clair-obscur est présent continuellement dans le récit. Privés d'électricité, les personnages doivent apprendre à apprivoiser l'obscurité : "Dans ces ténèbres, qui puait l'essence et le vernis, la débroussailleuse, le vieil aspirateur, une chaise défoncée, le portemanteau devenaient des monstres prêts à vous déchiqueter. Seuls les rats, dans cette obscurité, se sentaient plus bravaches."
"Nuages ou pluie, froid ou chaud, le noir, tôt ou tard, perdait sa bataille quotidienne contre la lumière".
La mort / la vie :
La mort est partout dans ce roman. Les maisons et les carcasses de voiture renferment des cadavres, l'air pue constamment la mort, dehors ou à l'intérieur du domaine, car le squelette de la mère d'Anna et d'Astor repose dans sa chambre. Le silence règne d'ailleurs sur ce monde post-apocalyptique : "Si elle n'avait pas été assourdie par sa propre respiration et ses pieds qui cognaient sur l'asphalte, elle aurait entendu le silence. Il n'y avait pas un brin de vent, ni oiseaux, ni grillons, ni cigales."
Cependant, la vie perce dans ce monde anéanti grâce notamment à la présence de Pietro, personnage solaire, qui use de l'humour, et fait rire Anna et Astor.
La solitude / l'amitié :
Anna souffre souvent de la solitude. Elle est fatiguée de prendre seule des initiatives, sans l'aide de sa mère. Avec Pietro et Câlinou, sa vie change et prend une nouvelle tournure.



Au-delà de ces dualités, le roman de Niccolo Ammaniti renferme une autre originalité : l'imbrication des histoires des personnages dans le récit. Elles se présentent avec un titre en majuscules, à la manière d'un conte (ex : "LE CHIEN AUX TROIS NOMS"). Le narrateur nous raconte ainsi le passé des personnages avant que le virus frappe. Cela nous permet de mieux les connaître, mais surtout de voir comment leurs vies ont basculé, sans donner de détails sur l'origine de ce virus.
Par ailleurs, ce roman est véritablement poignant, notamment lorsque Anna se souvient des moments passés avec ses parents lorsqu'ils étaient encore vivants.

D'autre part, ce roman présente des scènes assez dérangeantes. En effet, ce n'est clairement pas un roman jeunesse : il y a cette scène très particulière dans laquelle Anna "s'occupe" du cadavre de sa mère, des passages dans lesquels les enfants boivent de l'alcool quand ils arrivent à en trouver, les descriptions des cadavres (secs ou non...) sont développées, etc. C'est donc tout de même très réaliste, assez "cru", je préfère prévenir les âmes sensibles (comme la mienne ^^).

Ensuite, j'ai eu un coup de foudre pour le style de Niccolo Ammaniti. C'est une écriture très visuelle, au point que j'avais l'impression de regarder un film en lisant le livre. Sa plume est belle mais elle ne manque pas de sarcasme parfois, nous faisant passer par toutes sortes d'émotions. A coup sûr, je lirai ses autres romans tant j'ai été charmée par sa plume si singulière.

Enfin, il y a cette fin... qui m'a... laissée sur ma faim. Elle ne répond en effet à aucune question et j'ai quitté un peu brutalement les personnages que j'ai tant appréciés. De quoi rester frustrée. Y'aura-t-il une suite ? Même si à ce jour l'éditeur ne m'a pas encore répondu, je doute qu'il y en ait une car cette fin m'a fait penser à celle de La Route, qui n'a eu aucune suite. J'espère ardemment un deuxième tome malgré tout, tant les personnages me manquent.

En conclusion, Anna est un roman post-apocalyptique mais pas que. C'est un roman brillant sur la fraternité et sur l'amour tout simplement, dans un monde où la mort est partout. Original par ses dualités et par sa structure, Anna est animé par une plume magnifique et qui parfois joue avec nos nerfs. Attention aux âmes très sensibles, ce roman comporte quelques scènes qui peuvent être dérangeantes. Une très belle découverte.


Cette fin aurait normalement dû faire baisser considérablement ma note, au vu de ma frustration. Mais voilà, j'ai fini ce livre il y a deux ou trois jours et j'y pense encore. Je pense encore à Anna, à Astor, à Pietro, à Câlinou, personnages extraordinairement attachants. Je pense aussi à l'oppression de la mort qui les menace à chaque instant. Et je pense enfin à l'excellente écriture de l'auteur qui ne m'a pas laissée indifférente. Alors bon... qu'importe ce que j'ai pensé de la fin (mais s'il n'y a pas de suite, je casse tout), j'ai finalement décidé de lui accorder une bonne note...


Ma note : 18/20

A bientôt pour une prochaine chronique ^^





2 commentaires:

  1. Hum tu m'avais donné envie de le découvrir lorsque nous en parlions il y a quelques jours. Mais même avec ta magnifique chronique je pense que je vais passer mon tour. Les scènes dérangeantes hyper développées, j'évite depuis quelques temps dans la mesure du possible. Dommage parce que ton avis est terrible <3
    Gros bisous

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    1. Merci pour ma chronique, ça me fait plaisir :) Je te comprends tout à fait car ce genre de descriptions me retourne l'estomac. Dommage aussi que l'auteur ne réponde pas à quelques interrogations à la fin... Gros bisous ! A bientôt !

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