vendredi 27 janvier 2017

Cet été-là

"Je suis désormais un vieil homme, et même si plus de trente années se sont écoulées, je me rappelle encore cet été et ses secrets, la chaleur et la manière qu'avait la lumière de prolonger le soir comme si
elle n'allait jamais partir."


Auteur : Lee Martin
Titre VO : The Bright Forever
Traducteur : Fabrice Pointeau
Editeur : Sonatine
Genre : Thriller
Date de parution : 09 février 2017
Nombre de pages : 320
Prix : 21 €

Rentrée littéraire Hiver 2017


Présentation de l'éditeur

Tout ce qu'on a su de cette soirée-là, c'est que Katie Mackey, 9 ans, était partie à la bibliothèque pour rendre des livres et qu'elle n'était pas rentrée chez elle. Puis peu à peu cette disparition a bouleversé la vie bien tranquille de cette petite ville de l'Indiana, elle a fait la une des journaux nationaux, la police a mené l'enquête, recueilli des dizaines de témoignages, mais personne n'a jamais su ce qui était arrivé à Kathy. Que s'est-il réellement passé cet été là ? Trente ans après, quelques-uns des protagonistes se souviennent. Le frère de Katie, son professeur, la veuve d'un homme soupçonné du kidnapping, quelques voisins, tous prennent la parole, évoquent leurs souvenirs. Des secrets émergent, les langues se délient. Qui a dit la vérité, qui a menti, et aujourd'hui encore, qui manipule qui ?

Mon Avis

Si j'ai sollicité ce titre, c'était tout d'abord pour sa couverture originale, avec cette broussaille qui semble vouloir entrelacer les lettres du titre. Puis, ce thriller avec son intrigue de facture classique a attiré mon attention. En le lisant, je ne m'attendais pas à ressentir autant d'émotions. Je remercie NetGalley et les éditions Sonatine pour m'avoir permis de découvrir ce thriller poignant.

Dans les années 70, dans une petite ville de l'Indiana, Katie Mackey, 9 ans, disparaît alors qu'elle allait rendre ses livres à la bibliothèque. Son vélo a été retrouvé abandonné sur un trottoir, la chaîne enrayée. Vous vous dites certainement que cette histoire est du déjà-vu et de facture assez classique. Vous avez raison. Cependant, vous ne savez pas encore comment le narrateur principal revient sur cette affaire, comment l'auteur réussit brillamment à nous plonger dans les méandres de l'âme humaine, avec ses secrets les plus obscurs. En quelques mots, ce roman est original, magnifique, prenant mais dérangeant. Dérangeant parce qu'il ose sonder les âmes tourmentées qui sont sur le point de basculer et de commettre l'irréparable.

Cet été-là s'ouvre par cette déclaration d'un certain Raymond R. : "Je ne dis pas que je ne l'ai pas fait. Je ne sais pas." S'élèvent ensuite plusieurs voix : celle de Gilley, le frère de Katie, celle de M. Dees, le professeur particulier de la petite fille ; celle de Clare, la compagne de Raymond R. ; celles des voisins, et celles des volontaires qui ont participé aux recherches.
Deux suspects se distinguent des autres personnages. L'un est dévoilé dès la première page, l'autre un peu plus loin lorsqu'on comprend qu'il cache de lourds secrets.

"J'observais - j'observais constamment -, et vous, vous autres qui ne vous souvenez même plus de mon nom, vous pensiez savoir exactement qui j'étais." (p.37)
Le reste de la page reste blanche. Glaçant.



On découvre le passé trouble de ces personnages, qui n'ont pas eu ce que les autres ont eu la chance d'avoir, et qui sont si fragiles psychologiquement qu'ils peuvent flancher et devenir des criminels. L'auteur explore ce côté-là, l'origine du mal, ce qui fait que ces deux personnages peuvent franchir la limite. Mais qui l'a franchi au final ? L'un des deux ? Les deux ? Quelqu'un d'autre ?

La réponse à cette question appartient au narrateur principal, Henry Dees. Ce narrateur si controversé, à la fois intelligent et répugnant, nous interpelle régulièrement, nous, lecteurs :

"Si vous voulez écouter, vous allez devoir me faire confiance. Sinon, refermez ce livre et retournez à votre vie. Je vous préviens : cette histoire est aussi dure à entendre qu'elle l'est pour moi à raconter." (p.15).

Il n'a pas tort : l'immersion dans la noirceur de ces deux personnages est très dérangeante. Mais ce ne sont pas les seuls à être confrontés à leurs propres démons. Un autre personnage en effet se verra également submergé par ses sentiments les plus malsains... Le suspense est hautement maîtrisé dans ce roman. Le page-turner est redoutable. A un moment donné, on peut même se demander si ce narrateur si particulier ne se joue pas de nous...

D'autres thèmes sont présents dans ce roman si dense, comme la culpabilité et la disparition d'un être cher. Gilley, les parents de Katie, Clare, tous se sentent coupables, et on peut se poser la question de leur responsabilité dans ce drame. Y'a-t-il véritablement un seul coupable dans cette affaire ? Des personnages ont-ils fermé les yeux sur ce qu'il allait se produire ? Et nous, qu'aurions-nous fait à leur place ?
Il y a aussi un magnifique passage sur la perte d'un être cher, et c'est le personnage si attachant de Clare qui s'exprime ici :

"Quand une personne qu'on aime disparaît, c'est comme si la lumière faiblissait, et on se retrouve dans la pénombre. On essaie de faire ce que nous disent les autres : mettre un pied devant l'autre ; relever la tête ; s'abandonner aux secondes, aux minutes et aux heures. Mais il y a toujours cette petite lumière - cette vie qu'on vivait auparavant. Elle est un peu estompée et embrumée, comme un croissant de lune par une nuit d'hiver, quand l'air est plein de glace et de nuages, mais elle est tout de même présente, flottant juste au-dessus de notre tête. On pense qu'elle n'est pas loin. On pense qu'à n'importe quel moment on pourra l'attraper." (pp.176-177).

Quant au style de l'auteur, il suffit de lire cette citation ci-dessus pour vous rendre compte à quel point il est magnifique, avec ses accents poétiques et ses mots transcendants et justement choisis (excellent travail de traduction au passage, accompli par le traducteur de Mr. Ellory entre autres). Un texte saisissant, beau, poignant, mais à la fois dérangeant. L'auteur nous bouscule. Il nous interpelle sur la nature humaine avec une manière si réaliste qu'elle en devient gênante. J'adore le style de l'auteur, un peu semblable à celui de R.J. Ellory, qui sonde les sentiments les plus noirs de l'âme humaine, aux origines même du mal. Brillant.

Enfin, après les remerciements, Lee Martin nous donne des explications utiles sur l'origine de The Bright Forever, lui qui a vécu aussi dans une petite ville américaine. Ce roman polyphonique donne la parole aux personnages, mais il se révèle aussi truffé de références musicales. Toutes les chansons sont même répertoriées à la fin du roman. Elles "soulignent l'essence de certains personnages" et au passage, l'auteur donne quelques éléments utiles sur la nature de ses personnages.

Pour conclure, Cet été-là est un thriller saisissant de réalisme, poignant, original par sa structure, brillant par son style et dérangeant par son exploration des côtés les plus sombres de la nature humaine. Ce roman soulève diverses questions comme celle de la culpabilité, de la famille brisée, des secrets qui habitent des êtres troublés et qui peuvent engendrer des actes irréparables. L'auteur nous interroge sur la nature humaine, quitte à nous gêner, quitte à nous bouleverser. Un roman aussi magnifique que perturbant.


Ma note : 19/20



A bientôt pour une prochaine chronique ^^














2 commentaires:

  1. En effet, vu comme ça, ça doit être top !!! :-) Je note !!

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  2. Je viens de le terminer. Je ne m'attendais pas du tout à lire un livre comme ça. C'est superbe !

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