mercredi 20 septembre 2017

"Demain sera tendre" de Pauline Perrignon

Tendre hommage

"Ton corps est un pli sous le drap. Ta main dépasse, je l'agrippe, comme je l'agrippais gamine.
Tes yeux bleus sont perdus.

Papa est mort, l'enfance avec."



Présentation de l'éditeur

Une fille, un père. Un homme tendre et têtu, qui voit sa famille grandir et ses espoirs s’éteindre. Lui qui croyait à une France construite sur une gauche généreuse, sur un syndicalisme réformateur, une presse moderne et utopique, cet homme de convictions voit la mélancolie le gagner. Mais il a un foyer où vivent sa femme et ses quatre filles, et tout au fond de lui, il transmet le flambeau à la nouvelle génération. L’amour de la musique, des lettres, de la liberté. Ce texte repose sur une belle alchimie  : il expose avec franchise, humour et douceur le regard d’une fille sur son père parti trop tôt. Un premier roman remuant.

Mon Avis

Même si la rentrée littéraire est l'objet de polémiques chaque année, elle a au moins le mérite de faire connaître aux lecteurs de nouvelles plumes. Et quelle plume, celle de Pauline Perrignon, dont Demain sera tendre est son premier roman ! L'auteure destine le récit entier à son père, décédé en 2013 d'un cancer. La première partie est consacrée à la profonde douleur de Pauline face à la mort de son père. Parfois avec humour, mais surtout avec beaucoup d'émotions, ce récit est tout simplement magnifique et on ne peut en ressortir que totalement bouleversé.

"Tu as tiré ta révérence un soir de novembre. Tu t'es fondu, entre les Saints et les Poilus, à bonne distance du sacré et de la guerre. A bonne distance, toujours. Tu as déserté, je dois bien m'y résoudre. (...) Tu es parti, papa. Pas à la guerre, ni loin d'elle. Ou de la tienne, peut-être, triste guerre, drôle de guerre, las d'avoir combattu en silence. Tu n'étais pas belliqueux." (page 12).

Il y a également ce rapport à la mort, à l'absence, au vide que laisse le père de l'auteure en elle. Ce récit nous touche, nous renvoie à notre propre histoire, inéluctablement.

"Je t'en ai voulu de déposer les armes. Ultime reddition, s'ajoutant à toutes celles qui l'avaient précédée et auxquelles je te trouvais des excuses. Mais d'elles tu te relevais, pas plus
guerroyeur ni plus fort. Vivant, au moins." (page 13).

Plus loin, l'auteure expose la vie de son père, à la santé fragile, mais vaillant pour défendre ses idées. Journaliste et militant de gauche, il était de tous les combats pour une autre société, plus juste. Un bel hommage à l'homme qu'il était. Cependant, l'auteure s'interroge sur le lien entre la génération combative d'avant-hier et la jeunesse d'aujourd'hui. Que reste-t-il de ces années où l'on n'hésitait pas à s'engager et à défendre nos valeurs et nos idées ?

"Mais si la vie donne les livres, on ignore qu'avec eux la vie recommence. Elle y éclot, et pourrait s'écrire encore et encore, cette vie-là qui ressurgit d'elle-même. Car les mots figent d'autant qu'ils invitent à la rencontre et, avec elle, d'autres histoires s'insinuent, et d'autres mots, tout ça n'en finit pas et n'est pas près d'en finir. N'y a-t-il pas de quoi se réjouir ?" (page 30).

Pauline raconte également sa propre histoire. Son parcours, ses déceptions amoureuses, son départ pour Londres, son mal-être, sa maladie, sa réaction face aux attentats qui ont touché Paris. "Comment exister quand le sens s'annule ?" s'interroge-t-elle. La parole de son père, ses explications, auraient pu l'éclairer sur ces drames. La jeunesse d'aujourd'hui doit faire parfois face à ses peurs, seule.

Ce roman au combien intime peut faire naître une certaine réticence au lecteur. L'auteure y a en effet glissé des souvenirs, des sentiments très personnels, et on a parfois l'impression de se sentir de trop face à tout ce flot d'amour, face à cette histoire intime et familiale. Cependant, au delà de ça, ce texte est d'une beauté saisissante, tant qu'elle ne peut que nous bouleverser. Il nous renvoie forcément à notre propre histoire.

Enfin, que dire du style de l'auteure, mis à part qu'il est magnifique, franc et délicat à la fois. Un récit poignant, aux airs poétiques, et un très bel hommage à ce père, à cet homme discret qui reprend vie en quelque sorte grâce à la jolie prose de sa fille.


En bref, Pauline Perrignon livre un premier roman poignant, tendre, bouleversant sur son père disparu. Avec sa plume magnifique, elle relate son histoire, et la sienne, avec sincérité, émotion et humour. Ce récit intimiste a le don de nous renvoyer à notre propre histoire. Et, comme moi, peut-être qu'il vous arrachera quelques larmes. J'espère que l'auteure continuera à écrire. Je sens qu'elle a encore plein de choses à nous livrer. Un premier roman remarquable.





Merci aux éditions Stock et au Comité de lecture Cultura.


Demain sera tendre, Pauline Perrignon, Stock, sortie le 23 août 2017, 216 p., 18,50 €, format Kindle : 12,99 €.



A bientôt pour une prochaine chronique ^^









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