dimanche 13 mai 2018

Premières lignes #38 : "Hier, les oiseaux" de Kate Wilhelm

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...

Aujourd'hui, je découvre avec vous les premières lignes de Hier, les oiseaux de l'autrice américaine Kate Wilhelm. C'est un classique de la science-fiction et un roman post-apocalyptique publié pour la première fois en France en 1977 aux éditions Denoël. Il a été réédité par le Livre de Poche il y a un mois de cela. Récompensé par de nombreux prix, ce livre titille ma curiosité. Bonne lecture !


La planète est exsangue, ravagée par la pollution, la guerre, la maladie. Les Sumner, de riches propriétaires terriens, pressentent que l’effondrement du monde est proche. Ils décident de construire à Bear Creek, dans leur domaine de Virginie, un centre de recherches scientifiques et d’y organiser la vie en autarcie. Après le cataclysme, les hommes et les femmes se révèlent stériles et disparaissent en quasi-totalité. Créer des bébés par clonage semble pallier la reproduction sexuée. Mais, au fil des générations, les clones sont-ils encore des humains  ? Le retour inflexible de la Nature va-t-il obliger une microsociété à bout de ressources à franchir les frontières pour explorer le monde  ?
Publié en 1976,
Hier, les oiseaux, devenu un classique de la science-fiction, interroge avec une implacable acuité un avenir possible de l’humanité.




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      Ce que David détestait toujours le plus dans les dîners de famille des Sumner, c'était la façon dont tout le monde parlait de lui comme s'il n'était pas là. 
      — A-t-il mangé assez de viande ces derniers temps ? Je le trouve tout pâlot.
      — Tu le gâtes trop, Carrie. S'il refuse de dîner, interdis-lui d'aller jouer. Tu étais pareille, tu sais. 
      — Quand j'avais son âge, j'étais assez costaud pour abattre un arbre à la hache. Lui, dans un brouillard à couper au couteau, il n'aurait pas la force de s'en sortir.
      David rêvait qu'il était invisible, qu'il flottait au-dessus de leur tête tandis qu'ils parlaient de lui. Quelqu'un demandait s'il avait déjà une petite amie et tous le taquinaient pour savoir si c'était vrai. De sa position avantageuse, il tirait au rayon laser sur oncle Clarence, qu'il détestait tout particulièrement parce qu'il était gras, chauve et très riche. Oncle Clarence trempait ses biscottes dans la sauce, ou dans le sirop, ou le plus souvent dans une mixture de sorgho et de beurre qu'il délayait dans son assiette jusqu'à ce que ça ressemble à du caca de bébé.
      — A-t-il toujours l'intention d'être biologiste ? Il devrait entrer à l'école de médecine et s'associer à Walt.
      David pointait alors son fusil laser sur oncle Clarence, lui flanquait avec précision un rayon dans l'estomac, relâchait soigneusement la détente, si bien que le sang d'oncle Clarence coulait de sa plaie et se répandait sur eux tous.
      — David ! Il sursauta, inquiet, puis se détendit à nouveau. David, tu devrais sortir et aller voir ce que font les autres enfants.
      C'était la voix douce de son père, qui voulait dire en termes clairs : "Ca suffit." Et tous les convives choisissaient la progéniture d'un autre comme sujet de conversation commun.
      Au fur et à mesure qu'il grandissait, David apprenait les liens de parenté complexes qu'il avait acceptés comme tels étant enfant. Oncles, tantes, cousins, cousins germains, cousins issus de germains. Et la famille par alliance : les frères, et sœurs, et parents de ceux qui avaient épousé un membre de sa famille. Il y avait les Sumner, les Wiston, les O'Grady, les Heineman, les Meyer, les Capek et les Rizzo ; tous habitaient le long de la même rivière qui coulait dans la vallée fertile.
      Il se souvenait tout particulièrement des vacances. La vieille maison des Sumner était remplie de chambres à coucher à l'étage et, dans le grenier, les matelas et les paillasses pour les enfants occupaient toute la surface d'un mur à l'autre, avec un énorme ventilateur devant la fenêtre ouest. Il se trouvait toujours quelqu'un pour vérifier qu'ils n'étaient pas tous asphyxiés dans le grenier. Les aînés étaient supposés surveiller les plus jeunes, mais en réalité ils les effrayaient soir après soir avec des histoires de fantômes. Il arrivait que le bruit fût si fort qu'une intervention des parents s'avérait nécessaire. Oncle Ron montait l'escalier de son pas lourd, ce qui déclenchait des galopades, des fous rires contenus, des cris étouffés, jusqu'à ce que chacun ait trouvé un lit, si bien qu'au moment où il allumait la lumière du vestibule qui éclairait faiblement le grenier, tous les enfants avaient l'air de dormir. Il s'arrêtait quelques instants sur le pas de la porte, puis tirait celle-ci, éteignait la lumière et redescendait pesamment, apparemment sourd à l'hilarité qui reprenait derrière lui.


Hier, les oiseaux (Where Late the Sweet Birds Sang), Kate Wilhelm, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sylvie Audoly, Le Livre de Poche, Avril 2018, 360 pages, 8,20 €, format Kindle : 7,99 €.

Je vous souhaite un excellent dimanche !

A bientôt ^^


1 commentaire:

  1. La couverture m'intrigue terriblement.
    Et ces premières lignes ont achevé ma résistance.
    Je l'ajoute à ma PAL virtuelle.

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