jeudi 26 mai 2016

Maman a tort

"Malone était le seul homme qui la trouvait belle. Le seul homme pour qui elle était douce, tendre, sensible. Unique. Le seul homme capable de l'aimer, sans la juger."


Auteur : Michel Bussi
Editeur : Pocket
Genre : Policier
Date de parution : 4 mai 2016
Nombre de pages : 544
Prix : 7,80 €




4e de couverture

Rien n'est plus éphémère que la mémoire d'un enfant... Quand Malone, du haut de ses trois ans et demi, affirme que sa maman, même si cela semble impossible, Vasile, psychologue scolaire, le croit.
Il est le seul. Il doit agir vite. Découvrir la vérité cachée. Trouver de l'aide. Celle de la commandante Marianne Augresse par exemple. Car, déjà, les souvenirs de Malone s'effacent. Ils ne tiennent plus qu'à un fil. Le compte à rebours a commencé.
Qui est vraiment Malone ?

Mon Avis

"1. Maman a tort
2. C'est beau l'amour
3. L'infirmière pleure
4. Je l'aime"
Je n'ai pas pu m'en empêcher. A chaque fois que j'apercevais ou que je pensais au titre du livre, je chantonnais dans ma tête les paroles de la toute première chanson de Mylène Farmer. Il fallait que ça sorte... Voilà, ça c'est fait. Maintenant, revenons à nos moutons, surtout que le sujet du livre n'a rien à voir avec la chanson de Mylène... (désolée).

Dans ce polar de Michel Bussi sorti l'année dernière aux éditions Presses de la Cité, on suit la commandante Marianne Augresse, 39 ans, qui piétine avec son équipe sur une enquête : un braquage à Deauville, deux complices en fuite et un magot de plusieurs millions d'euros volatilisé. Tandis qu'elle reste à l'affût de la seule piste dont elle dispose, elle rencontre Vasile Dragonman, psychologue scolaire, qui lui demande de l'aide. En effet, Malone, un petit garçon de 3 ans qu'il suit, affirme que ses parents ne sont pas ses vrais parents. Il parle de château à quatre tours, de fusée et de bateau pirate coupé en deux, des éléments étranges de sa vie d'avant. Par instinct ou intuition, Vasile le croit. Il doit agir avant que ses souvenirs disparaissent :
"(...) ce gamin s'accroche à des bouts de souvenirs pour me soutenir que sa mère n'est pas la sienne. Mais dans quelques jours, dans quelques semaines peut-être, aussi sûrement que ce gamin va vieillir, apprendre de nouvelles choses, (...), ses souvenirs plus anciens s'effaceront. Et cette autre mère dont il se rappelle aujourd'hui, cette vie d'avant dont il me parle chaque fois que je le vois, n'aura tout simplement jamais existé pour lui !" (page 39).

 A la lecture des premières pages, j'ai eu beaucoup de mal à entrer dans l'histoire. En effet, je ne comprenais pas vraiment l'intérêt de l'enquête sur le braquage. Je voulais en savoir plus sur l'histoire du petit Malone. Et franchement, les policiers dont Marianne, me faisaient penser aux personnages de la série policière du jeudi soir sur TF1... Pas foncièrement mauvais mais caricaturaux.
Heureusement, au fil des pages, l'intrigue s'étoffe, les rebondissements s'enchaînent, les personnages se dévoilent un peu plus.

Les personnages, justement, sont attachants. Marianne, à la tête d'une équipe composée d'hommes uniquement, a une forte personnalité et n'a pas froid aux yeux. Cependant, elle se révèle aussi sensible. Célibataire à l'aube de la quarantaine, elle rêve de trouver l'homme idéal et d'avoir un enfant, avant qu'il ne soit trop tard.
Malone, petit bonhomme de 3 ans, est adorable, on a envie de le protéger !
L'histoire d'Amanda, la mère de Malone, est touchante. On voit qu'elle est prête à tout pour protéger son fils. L'amour qu'elle lui porte est sans limite.
Enfin, Angélique a également un passé trouble et bouleversant.
Je ne veux pas dévoiler leurs histoires bien entendu, mais en tout cas, ces personnages ne laissent pas indifférents.

Des contes, retranscrits en italique, sont insérés dans plusieurs chapitres consacrés au petit Malone. Ils sont excellents et très bien menés. Bien entendu, une morale clôt chaque conte :
"(...) les vrais trésors ne sont pas ceux qu'on cherche toute sa vie, ils sont cachés près de nous depuis toujours. Si on les plante un jour, si on les cultive et on les arrose tous les soirs, en oubliant même pourquoi à la fin, ils fleuriront un beau matin alors qu'on ne les espérait plus" (page 45).
L'auteur a un véritable talent de conteur. Des éléments, des personnages de ces contes se révèlent être soit des indices sérieux, soit des fausses pistes. C'est déroutant et en même temps amusant. On pense à une ou plusieurs vérités, et qui sont aussitôt dans la seconde, balayées par une autre probabilité.

Le style est simple, un peu abrupte, un peu saccadé parfois. Michel Bussi est adepte des phrases courtes, hachées, des retours à la ligne, des phrases averbales. On est dans l'instantané, un peu comme dans un film policier. La lecture est très agréable.
Les chapitres sont courts et les points de vue diffèrent parfois dans un même chapitre. J'aime bien ce procédé, ça change du plan typique un chapitre/un personnage. Je trouve cela plus vivant. Ce système nous oblige à se concentrer un peu car il y a beaucoup de personnages. Mais les points de vue alternés restent relativement simples à suivre.

En conclusion, "Maman a tort" est un polar réussi. Tout y est : le suspense, les rebondissements, les fausses pistes. Les contes apportent une touche d'originalité au genre. Les personnages sont attachants, leurs blessures nous touchent. L'auteur fait, avec ce roman, l'éloge de l'amour maternel. En effet, l'amour d'une mère est plus fort que tout.
J'avoue que c'était mon premier Bussi (oui j'ai honte, vous pouvez me lancer des pierres). Ce ne sera pas le dernier tant j'adore le style de l'auteur. "Le Temps est assassin", son nouveau roman paru ce mois-ci, me fait de l'œil... Je n'hésiterai pas à écrire une petite chronique en temps voulu !

Ma note : 18/20

A bientôt pour une nouvelle chronique ^^




mercredi 18 mai 2016

Elia, la Passeuse d'Âmes

"Elle n'était pas d'accord avec tout ce qu'en seize ans on lui avait imposé comme la seule façon possible de vivre, l'évidence, avec tout ce qu'elle n'avait jamais pensé à contester. Il fallait que ça change. Elle ne savait pas comment ni quand, mais elle n'avait jamais été aussi sûre de quoi que ce soit"


Auteur : Marie Vareille
Editeur : Pocket Jeunesse
Genre : Dystopie
Date de parution : 4 mai 2016
Nombre de pages : 316
Prix : 16,90 €


4e de couverture

Elia est une Passeuse d'Âmes, un être sans émotions. Elle doit exécuter ceux qui sont devenus des poids pour la société : vieux, malades, opposants... Mais un jour elle ne parvient plus à obéir aux ordres et s'enfuit dans la région la plus déshéritée du pays, là où les Passeurs d'Âmes sont considérés comme les pires ennemis. Au plus profond d'immenses mines à ciel ouvert, Elia découvrira, telle une pépite, une destinée qui la dépasse.


Mon Avis


"Passeuse d'Âmes" : ce sont deux mots qui m'ont tout de suite séduite. En effet, il se trouve que j'apprécie tout ce qui touche de près ou de loin les âmes, les esprits errants et ceux qui les guident vers l'au-delà (je pense notamment aux Shinigami - divinités de la mort au Japon - dans l'excellent manga "Bleach" créé par Tite Kubo, dont je suis fan absolue).
En lisant la quatrième de couverture, j'ai pensé que ce roman était plutôt orienté "fantasy". Deuxième erreur, les premières pages dévoilent finalement un monde dystopique. Emballée par la découverte d'une dystopie à la française, je fus complètement happée par l'univers glacial d'Elia.

Dans ce roman, le monde est sinistré par des siècles de guerre, détruit par des armes chimiques qui ont déréglé le climat. Les océans sont contaminés, la quasi-totalité de la population terrestre a été exterminée. Seule la terre de Tasma a été épargnée. La nouvelle société qui y a été érigée est profondément totalitaire : la liberté est un "poison" (page 5), la Communauté passe avant l'individu. Aussi, la société est séparée en trois castes : les Nosobas, réduits en esclavage ; les Askaris, caste des commerçants ; et les Kornésiens, qui sont l'élite de cette société.

Elia est une jeune Kornésienne de 16 ans. Elle possède une particularité qu'elle doit à tout prix dissimuler sous peine de s'attirer de gros ennuis. Elle est lycéenne et parallèlement, elle exerce son activité de Passeuse d'Âmes :
"(...) les Passeurs d'Âmes manifestent une totale absence d'empathie envers les autres membres de la Communauté (...). Parce que la Communauté se doit d'essayer de trouver à chacun une place dans la société, il leur a été attribué comme rôle de donner la mort aux individus devenus inutiles ou risquant de mettre en danger l'équilibre collectif." (page 13).

Cependant, Elia, contrairement à ce que laisse penser la quatrième de couverture, n'est pas un être insensible : "Le passage d'une âme la laissait toujours un peu triste. (...) Comme n'importe quel Passeur d'Âmes, elle aurait aimé être insensible, voire ressentir du plaisir à voir s'éteindre une âme, mais ce n'était malheureusement jamais le cas" (page 23-24).
Lorsqu'elle se voit charger d'exécuter en urgence un Nosoba accusé d'avoir volé des médicaments pour sauver son petit frère, elle l'épargne et le laisse s'échapper. Accusée de haute trahison, elle n'a pas d'autre choix que de s'enfuir aux mines de Phosnium et de se mêler aux Nosobas.

Elia, seule, coupée des siens, doit survivre dans le secteur le plus dangereux et le plus pauvre de Tasma. Elle y fera des rencontres (bonnes et mauvaises) et elle devra faire face à d'énormes bouleversements dans sa vie. Elle connaîtra ainsi la faim, la misère, mais aussi la générosité, le partage et l'amitié.
Peu à peu, son caractère évolue, elle est plus mature et se révèle être une forte tête. Sa façon de voir les choses aussi change, notamment à propos des Nosobas.
Un dernier point sur Elia : elle est également à la recherche de son identité. En effet, elle en saura davantage sur ses origines, même si quelques questions resteront en suspens dans ce premier tome.

Le style est fluide, le roman se lit facilement. Il n'y a pas de longues descriptions ni de temps morts, l'action et les révélations s'enchaînent, ce qui est très appréciable. L'univers dystopique créé par Marie Vareille est riche et simple à comprendre. J'ai bien aimé les documents insérés entre quelques chapitres (rapports scientifiques ou militaires, livre d'histoire, articles de journaux, berceuse, etc.) qui rendent le monde de Tasma crédible sous tous ses aspects (culturel, politique, militaire, scientifique).

En conclusion, j'ai adoré "Elia, la Passeuse d'Âmes, dont la lecture est très agréable. L'univers dystopique est riche et crédible. Les personnages sont tous attachants et les rebondissements sont au rendez-vous. J'ai hâte de lire le tome 2, qui, si j'ai bien compris, nous réserve une grosse surprise et plus de romance (cf. interview de Marie Vareille par Pocket Jeunesse, ici) !



Ma note : 18/20

A bientôt pour une nouvelle chronique ^^


vendredi 13 mai 2016

La Fille du train

"J'étais en colère. Désespérée. Peut-être que j'ai voulu me venger. Peut-être que j'ai voulu leur montrer que mon désespoir était réel. Je ne sais pas. J'ai fait quelque chose de stupide."


Auteur : Paula Hawkins
Traducteur : Corinne Daniellot
Editions : Sonatine
Genre : Thriller
Parution : mai 2015
Nombre de pages : 379
Prix : 21 €

4e de couverture :

Entre la banlieue où elle habite et Londres, Rachel prend le train deux fois par jour : le 8 h 04 le matin et le 17 h 56 le soir. Chaque jour elle est assise à la même place et chaque jour elle observe, lors d'un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par cœur, elle a même donné un nom à ses occupants, qu'elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu'elle imagine parfait. Heureux, comme Rachel et son mari ont pu l'être par le passé, avant qu'il la trompe, avant qu'il la quitte. Rien d'exceptionnel, non, juste un couple qui s'aime. Jusqu'à ce matin où Rachel voit Jess dans son jardin avec un autre homme que Jason. Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d'en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c'est avec stupeur qu'elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu...

Mon Avis :

Lorsqu'on m'a proposé de me prêter "La Fille du Train", l'un des best-sellers de l'année 2015, je n'ai pas hésité. La 4e de couverture m'a donné envie de le lire. L'intrigue m'a fait penser un peu au film "Fenêtre sur cour" d'Hitchcock, que j'avais découvert au collège (et qui m'avait plu accessoirement ;) ).

Le roman se présente sous forme de journal, les dates étant composées de deux parties : "Matin" et "Soir". Trois voix féminines (Rachel, Megan et une troisième femme, dont je tairai le nom pour entretenir le mystère) rythment l'intrigue. Au fil du roman, on apprend peu à peu ce qu'il s'est réellement passé le jour où Megan a disparu. On découvre également le parcours de Megan, dont le passé m'a retourné l'estomac.


Quant à Rachel, on apprend vite qu'elle est alcoolique. Qu'elle loge chez une amie. Que son mari l'a quittée pour une autre femme, qu'il fréquentait pendant qu'ils étaient encore ensemble. Qu'elle est désespérément seule et abandonnée. Tous les jours dans le train, elle voit son ancienne maison, occupée par son ex-mari, sa nouvelle femme et leur fille. 
Je crois avoir lu quelques critiques à propos du personnage de Rachel, peu attachante et agaçante. Quant à moi, j'ai ressenti de la compassion pour elle. J'avais vraiment envie qu'elle s'en sorte et qu'elle aille de l'avant. Mais l'alcool la rattrape à chaque fois, au point qu'elle a du mal à se souvenir de ce qu'elle a fait la veille au soir. Alors, plus on avance dans l'intrigue, plus on doute : Rachel a-t-elle un rapport avec la disparition de Megan ? A-t-elle commis le pire ? Est-elle tout simplement folle, comme ont l'air de suggérer les deux policiers chargés de l'enquête ? L'auteure est vraiment douée. Le doute ne m'a pas quittée pendant une bonne partie du roman.

Il subsiste également quelques longueurs dans le roman, notamment lorsque Rachel tente de se souvenir de ce qu'elle a fait le soir précédent.

Par ailleurs, la fin du roman a été pour moi violente et dérangeante. Le dénouement ne m'a pas paru surprenant, mais assez angoissant : j'avais peur en permanence pour un personnage (vous saurez lequel en lisant ce thriller ;) ). Néanmoins, j'ai été déçue par le dénouement, un peu tiré par les cheveux, et qui m'a fait un peu penser aux téléfilms de l'après-midi en semaine...

En conclusion, malgré quelques longueurs, ce roman est un très bon thriller, qui tient le lecteur en haleine. J'ai passé une très bonne lecture. Rachel est attachante, touchante. Le choix de raconter le destin de ces trois femmes si différentes les unes des autres au premier abord, est judicieux.

Notez que le roman de Paula Hawkins sera adapté au cinéma ! La sortie est prévue le 26 octobre 2016 ! Je vous mets le lien ici pour plus d'infos. Et comme je suis sympa, je vous donne l'occasion de regarder le trailer officiel ^^ :



Enfin, notez aussi la date de sortie de "La Fille du Train" en format poche, le 8 septembre 2016, aux éditions Pocket !


Ma note : 16/20

A bientôt pour une nouvelle chronique ^^












Avez-vous lu "La Fille du Train" ?
Qu'en avez-vous pensé ?
Irez-vous voir le film ?





samedi 7 mai 2016

Heaven

"Je crois plutôt que nous pleurions parce que nous n'avions aucun endroit à nous, et que nous n'avions pas d'autre choix que de vivre de cette façon, dans ce monde tel qu'il était. Nous pleurions contre la réalité qui faisait que c'était le seul monde où nous pouvions choisir de vivre. "



Auteur : Mieko Kawakami
Traducteur : Patrick Honnoré
Editeur : Actes Sud
Collection : Lettres japonaises
Genre : Contemporain
Date de parution : 6 avril 2016
234 pages
Prix : 21 €

4e de couverture

Deux opprimés, deux adolescents, l'un brimé pour un défaut physique, l'autre pour son apparence volontairement négligée, subissent la violence des élèves du collège.
De cette souffrance cachée aux adultes, de cette résistance partagée et plus intellectuelle que physique naît une amitié fondamentale mais discrète et pudique. Une amitié à travers laquelle se construit, le temps d'une année scolaire, l'essentiel du rapport au monde de ces deux jeunes gens, alors même que tout semble fermé tant la différence et le handicap en territoire d'enfance ne génèrent que danger et isolement.
Après Seins et Œufs et De toutes les nuits, les amants, l'ambition littéraire de Mieko Kawakami se confirme. Auteur de la prise de risques et de la maîtrise de son propre style, elle offre ici au lecteur un regard sur les concepts d'identité, de sujet et de bonheur qui bousculent et décapent la tradition intellectuelle occidentale.

Mon Avis

Dans ce récit à la première personne, on suit un collégien de 14 ans. On ne connaît pas son nom. Il est seulement nommé "Paris-Londres" ou "le Bigleux" par ses camarades de classe. En effet, le narrateur souffre d'un strabisme important, ce qui lui vaut d'être constamment harcelé par Ninomiya, Momose et leurs amis. Un jour, il trouve un mot dans sa boîte à stylos : "Toi et moi, nous sommes du même genre". Quelques jours plus tard, il en reçoit un autre. Cette fois-ci, c'était une date, une heure, un lieu de rendez-vous. Le narrateur pense à un piège de la part de Ninomiya et des autres, mais il décide de s'y rendre quand même : s'il ne va pas au rendez-vous, ils le lui feront payer. A sa grande surprise, il aperçoit Kojima, une fille de sa classe, qui est aussi victime de harcèlement à cause de son apparence négligée. Tous les deux vont par la suite s'échanger des lettres, se donner quelques rendez-vous, en toute discrétion. Ensemble, ils tentent de trouver des réponses à leur situation.



Le narrateur, dont la vie est profondément vide ("ma vie était aussi tranquille qu'un meuble", page 73), s'interroge sur sa situation et son avenir. Est-ce qu'il sera toujours confronté aux moqueries des autres à cause de son strabisme ? Au lycée ? Dans la vie active ? Pourra-t-il un jour trouver la sérénité, lui qui est constamment angoissé quand il n'est pas chez lui ? Kojima, elle, est différente du narrateur : réservée en classe, elle est pétillante en dehors du collège. C'est un personnage haut en couleurs, touchant et attachant, qui use d'un langage n'appartenant qu'à elle ("contentopamine", un mélange de "content" et de "dopamine" ; "boutibouts" ; "essorage cérébro-spinaker", etc.). Son histoire est émouvante, et on apprend au fil des pages la raison de son aspect négligé. Elle trouve des réponses aux agissements des autres. Elle recherche la normalité, elle veut échapper à l'angoisse. Cette belle amitié rompt leur isolement et ensemble, ils essaient de trouver un sens à leurs malheurs.

Kojima a une explication à tout ça : les autres ne comprennent pas. Ils ont pris l'habitude, et du coup ne réfléchissent pas à leurs actes. Ils ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas. Mais Momose va révéler au narrateur que son point de vue est faux. La raison qu'il évoque est totalement stupide, mais elle ne manque pas de cruauté...

Dans "Heaven", certains passages relatant les humiliations subies par le narrateur et Kojima relèvent d'une violence stupéfiante. Par exemple, le narrateur est contraint par ses camarades d'avaler des craies ou son vomi, il se retrouve avec des agrafes plantées dans les mains ou encore, sa tête sert de ballon lors d'une partie de "football humain", qui s'est soldée par un nez presque cassé.

Cette humiliation va être celle de trop pour le narrateur. Il sombre dans un état dépressif, refuse de voir Kojima, pense au suicide et à ses conséquences. Comment les autres réagiraient-ils ? Est-ce que les moqueries et humiliations cesseront pour Kojima ? Ou au contraire s'amplifieront-elles ? L'avis de Momose sur un possible suicide du narrateur est brutal : tous ressentiraient de l'indifférence.

Mais alors qu'est-ce que "Heaven" ? La paradis après le suicide (en lisant le titre et la 4e de couverture, j'ai pensé spontanément que les deux protagonistes organiseraient leur propre suicide) ? Non, c'est le tableau préféré de Kojima, qu'elle a nommé elle-même "Heaven". Elle illustre sa définition au narrateur par un exemple, lorsqu'ils se trouvent au musée :

"— Ces fiancés-là, il leur est arrivé une chose terrible. Une chose très malheureuse, très. Mais ils s'en sont sortis. Et de ce fait, maintenant, tous les deux, ils vivent dans le bonheur le plus fort qui existe. Ils ont dépassé le malheur et là où ils sont arrivés maintenant, cette chambre où il n'y a rien de spécial, c'est aussi Heaven." (page 59)

"Heaven" pour Kojima, c'est la normalité, le bonheur après les terribles épreuves, la fin de l'angoisse permanente.



En conclusion, "Heaven" est un roman fort, puissant, d'une réalité cruelle et déconcertante. Une réflexion sur le harcèlement scolaire qui vaut le coup de s'y pencher. Une lecture qui m'a marqué l'esprit. Je l'ai finie il y a une semaine, et il m'arrive encore d'y penser. Dommage qu'il n'y ait aucune information sur le devenir de Kojima... C'est bien le seul reproche que je ferai à ce roman court et percutant.

Ma note : 18/20

A bientôt pour une nouvelle chronique ^^











Avez-vous lu "Heaven" ? Qu'en avez-vous pensé ?
Connaissez-vous d'autres livres sur le harcèlement scolaire ?

lundi 2 mai 2016

Juste avant le bonheur

"Parfois, dans la vie, on a le sentiment de croiser des gens du même univers que nous... Des extra-humains, différents des autres, qui vivent sur la même longueur d'onde, ou dans la même illusion... C'était mon impression aujourd'hui... Et ça fait du bien"


Auteur : Agnès Ledig
Editeur : Pocket
Format : poche
Genre : contemporain
Parution : 2 octobre 2014
327 pages
Prix : 6,95 €

4e de couverture


Cela fait longtemps que Julie ne croit plus aux contes de fées. Caissière dans un supermarché, elle élève seule son petit Lulu, unique rayon de soleil d'une vie difficile. Pourtant, un jour particulièrement sombre, le destin va lui sourire. Emu par leur situation, un homme les invite dans sa maison du bord de mer, en Bretagne. Tant de générosité après des années de galère : Julie reste méfiante, elle n'a pas l'habitude. Mais pour Lulu, pour voir la mer et faire des châteaux de sable, elle pourrait bien saisir cette main qui se tend...

Mon Avis

Julie, caissière dans un supermarché depuis deux ans, déteste son travail, son patron et les clients. Elle "survit" seule, en élevant son fils Ludovic, qu'elle appelle affectueusement Lulu. A sa caisse, elle rencontre Paul, un quinquagénaire divorcé. Il lui propose de le suivre en Bretagne avec son fils pendant les vacances. Là-bas, elle y fait la connaissance de Jérôme, le fils de Paul et médecin de campagne qui n'arrive pas à surmonter la mort de sa femme. Peu à peu, tous apprennent à se connaître, à s'apprivoiser. Une amitié sincère s'installe.

Après le séjour en Bretagne, je ne m'attendais pas du tout à un déroulement comme celui-ci. C'est un véritable choc pour les personnages, mais aussi pour le lecteur.

Dans ce roman, on passe du rire aux larmes, du choc à l'attente, de l'espoir aux larmes, des larmes aux sourires.

Le style est fluide, doux, vivant, parfois sensiblement poétique. On ne s'ennuie pas une seconde. Le récit est raconté à la troisième personne, mais quelques paragraphes en italique écrits à la première personne nous éclairent sur les sentiments profonds de Julie, un peu comme dans un journal intime.

Ce que j'ai adoré :
Les personnages attachants, avec leurs propres caractères, blessés par la vie, mais qui s'entraident et se soutiennent.
Les paysages somptueux de la Bretagne (chère à mes yeux) retranscrits dans le roman.
Le proverbe japonais mentionné dans le récit : "Le bonheur va vers ceux qui savent rire" ^^
C'est un roman fort, dur parfois, mais qui entretient l'espoir et qui nous réconcilie avec les épreuves de la vie.

En conclusion, jetez-vous à cœur perdu dans ce (court) roman magnifique. On en sort bouleversé.

Coup de cœur

Note : 20/20





A bientôt pour une nouvelle chronique ^^