vendredi 2 février 2018

"LaRose" de Louise Erdrich

Fabuleux.euses LaRose

"Nous t'aimons, ne pleure pas.
Le chagrin dévore le temps.
Sois patient.
Le temps dévore le chagrin."



Présentation de l'éditeur

Dakota du Nord, 1999. Un vent glacial souffle sur la plaine et le ciel, d'un gris acier, recouvre les champs nus d'un linceul. Ici, des coutumes immémoriales marquent le passage des saisons, et c'est la chasse au cerf qui annonce l'entrée dans l'automne. Landreaux Iron, un Indien Ojibwé, est impatient d'honorer la tradition. Sûr de son coup, il vise et tire. Et tandis que l'animal continue de courir sous ses yeux, un enfant s'effondre. Dusty, le fils de son ami et voisin Peter Ravich, avait cinq ans.
Ainsi débute le nouveau roman de Louise Erdrich, couronné par le National Book Critics Circle Award, qui vient clore de façon magistrale le cycle initié avec La Malédiction des colombes et Dans le silence du vent. L auteur continue d'y explorer le poids du passé, de l'héritage culturel, et la notion de justice. Car pour réparer son geste, Landreaux choisira d'observer une ancienne coutume en vertu de laquelle il doit donner LaRose, son plus jeune fils, aux parents en deuil. Une terrible décision dont Louise Erdrich, mêlant passé et présent, imagine avec brio les multiples conséquences.


Mon Avis


Louise Erdrich est considérée comme l'une des grandes voix de la littérature américaine et je n'avais toujours pas lu ses écrits. LaRose est donc le premier roman que j'ai lu de cette auteure et j'en suis ressortie véritablement charmée de cette lecture.
Louise Erdrich est née d'une mère indienne, très catholique et fière de ses traditions ojibwé. Quant à son père, Allemand, il était passionné par Shakespeare. Cette immense culture, mais aussi un talent certain, ne pouvaient que servir à la romancière, véritable conteuse hors pair. 

Landreaux, un Indien Ojibwé, chasse dans la forêt près de chez lui. Il aperçoit le cerf qu'il avait repéré depuis des jours. Il tire. Le cerf s'enfuit. Une petite silhouette s'effondre. Landreaux vient de comprendre qu'il a tué accidentellement Dusty, le fils de ses voisins. Pour réparer sa faute, et selon les coutumes de ses ancêtres, il donne son plus jeune fils, LaRose, aux parents en deuil. L'auteure raconte les conséquences de ce grand bouleversement, entre traditions, histoires familiales, vengeances, pardon, légendes amérindiennes ; entre présent et passé.


"Maintenant, allongé là où la vie de Dusty s'était épanchée dans le sol, il ferma les yeux, écouta les bruits de la forêt environnante. Il entendit une mésange à tête noire, puis une sitelle, un corbeau épuisé au loin. Il entendit sa propre voix, qui criait. Puis le bourdonnement et le tic-tac des brindilles, des feuilles. Ruée d'aiguilles de pin. Le parfum des offrandes d'herbe douce, de tabac, de kinnikinnick. Landreaux, lui aussi, était venu ici." (page 38)


L'intrigue ne se focalise pas uniquement sur le petit garçon, LaRose, mais sur toute une génération de LaRose. C'est en effet un prénom mixte. Les ancêtres Ojibwé de cette lignée se sont passé ce prénom de mère en fille ou de père en fils. LaRose est donc également le prénom de la grand-mère maternelle du garçon. Cette longue lignée nous est contée par l'auteure depuis la première LaRose, une petite fille qui a combattu un démon et qui est capable de d'élever dans le ciel au son d'un tambour. Une lignée fantastique, mais malheureuse, empreinte de douleurs et de sacrifices. Le petit LaRose est un personnage exceptionnel, qui a gardé cette magie en lui. Il est le lien entre ces deux familles meurtries. Il reste un petit Américain passionné de figurines de supers héros, mais il a quelque chose en plus. Une sérénité, un magnétisme apaisant, une gentillesse pure, sincère et volontaire, un pouvoir de communication entre les mondes. Ce personnage clé est fascinant. Il n'y a pas de haine en lui, ni de colère. Même s'il a des attitudes d'enfants, il est incroyablement mature.


"Il avait une façon de toujours attraper les araignées sans jamais les écraser, de calmer les poules qu'on devait tuer, de secourir les chauves-souris, d'observer les fourmilières sans jamais les inonder, de ranimer les oiseaux assommés." (page 194)


Les personnages féminins de la lignée des LaRose, sont également très intéressants. Il y a Emmaline, la mère de LaRose, profondément attristée par l'absence de son petit garçon. Il y a Nola, la mère de Dusty (et demi-soeur d'Emmaline), dont le cœur est empli de haine, de colère et de culpabilité. Il y a aussi Maggie, la sœur de Dusty, blessée, manipulatrice, méprisée par sa mère. Et les personnages masculins ne sont pas en reste, avec Landreaux, effondré par le poids de la culpabilité ; Romeo, défoncé aux médicaments et ennemi juré de Landreaux, qui n'aspire qu'à la vengeance ; Peter, le père de Dusty, qui veille sur le faible équilibre de sa famille ; Hollis, le fils de Romeo élevé par Landreaux et Emmaline ; et enfin, le père Travis, prêtre blanc dont l'attachement pour Emmaline est une lourde tentation à laquelle il ne doit pas céder. Ces personnages ont beau être nombreux, ils sont extrêmement bien travaillés et ont tous une personnalité particulière qui les rendent attachants.

Louise Erdrich dénonce également dans son roman la persécution et la volonté d'anéantissement du peuple Indien, en citant par exemple des pamphlets de Lyman Frank Baum, l'auteur du Magicien d'Oz, qui a écrit des propos monstrueux prônant la supériorité de la race blanche. Elle raconte aussi comment l'éducation américaine et chrétienne a voulu supprimer toute trace de culture indienne par le passé.

"A l'école, on lui prit tout. (...) Elle apprit bientôt comment s'endormir. Ou, se dit-elle, laisser la part de moi-même qu'ils nomment odieuse s'endormir. Mais jamais cela ne se produisit. Tout son être était ojibwé, anishinaabe. Elle était Illusion. Elle était Mirage. Ombanitemagad. Ou le nom qu'on lui donnait désormais : Indienne." (page 205)

LaRose est empreint de légendes et de magie. Chaque être est relié à la nature, et il existe même des messagers de l'autre monde. L'auteure relate des légendes amérindiennes fascinantes, en rapport étroit avec la nature. Ces petits récits sont des merveilles.

Le thème du lien est primordial dans ce grand roman. Lien avec la nature, les êtres, l'autre monde. Mais également lien familial, et plus généralement, la conscience de faire partie d'un grand tout. 

En bref, LaRose est un roman brillant, intensément beau, magnifique. Légendes indiennes, deuil, vengeance, transmission, liens avec la nature et l'autre monde, ce livre est tout simplement empreint de magie. Notons également que l'excellente traduction d'Isabelle Reinharez. 




Un grand merci à Léa et aux éditions Albin Michel !

LaRose (LaRose), de Louise Erdrich, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez, Albin Michel, collection "Terres d'Amérique", janvier 2018, 528 pages, 24 €, format numérique : 16,99 €.

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A bientôt ^^






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