jeudi 25 janvier 2018

"Déchirer les ombres" d'Erik L'Homme

Road-trip mystique d'un enragé


"— (...) Tu connais l'odeur de la révolution ?
Non...
Eh bien, c'est l'odeur de la poudre."



Présentation de l'éditeur 

La vengeance d’un homme auquel on a tout pris, même la raison.
Un amour condamné au destin des étoiles filantes…
 
Officier français de retour d’Afghanistan, grande gueule désespérée par ce qu’est devenue la France, personnage hors norme, Lucius Scrofa surgit avec sa Harley Davidson chez son ancien lieutenant. Anastasie, la nièce de ce dernier, est là, jeune, lumineuse. Elle est fascinée par cette force de la nature qu’est Scrofa, il est séduit par sa fraîcheur. Après une nuit d’amour, ils partent tous les deux en Harley pour ce qu’Anastasie découvrira être la dernière virée de Scrofa, une cavale furieuse et mystique à travers le pays, une course vers l’ultime sacrifice.
  Réflexion sur le sel de la vie et l’évolution de notre monde, plaisir de la route, montage de fusils à pompe, scènes de passion truculentes… Une histoire d’amour et de mort tout en dialogues. Un véritable bijou littéraire.


Mon Avis

Peut-être le nom de l'auteur vous dit quelque chose. Normal, Erik L'Homme a beaucoup écrit pour la jeunesse, plus précisément de la fantasy. J'ai lu il y a très longtemps la trilogie du Livre des Etoiles, qui avait été l'un des sujets de mon mémoire de M1. Lorsque j'ai appris qu'Erik L'Homme sortait son premier roman pour les adultes, je n'ai pas hésité un seul instant. J'avais hâte de découvrir ce court récit au titre poétique.

Lucius Scorfa, ancien officier de retour d'Afghanistan, débarque avec sa Harley chez son ancien lieutenant, Ivanov. Il retrouve Anastasie, la nièce de ce dernier, 20 ans, intrépide, rebelle. Après avoir passé la nuit ensemble, Anastasie décide de quitter sa famille et de partir avec Scorfa et son oncle à la rencontre du deuxième compagnon d'armes, Valentini. Cependant, Scorfa est poursuivi par le colonel Delmar, pour une raison assez obscure, du moins au début du récit. S'en suit donc une course-poursuite à travers la France, vers une destination connue que de Scorfa. Mais le lecteur le comprend assez rapidement : Scorfa et ses acolytes filent droit vers une mort certaine.


Lucius Scorfa est un personnage singulier, qui dérange. Il bouscule le lecteur avec son caractère de guerrier, mais aussi avec son côté penseur philosophique. Comme l'écrit Olivier Maulin sur le bandeau du livre, "On croirait Rambo qui aurait lu Sénèque". Quant à Anastasie, elle est le symbole même de la jeunesse d'aujourd'hui, avec sa naïveté, son impétuosité et son envie de changer les choses. Ces deux personnages forment un couple très atypique, et dérangent le lecteur. Leur idylle s'est bâtie à la vitesse de l'éclair (c'est un road-trip !), et j'ai eu du mal à les comprendre, à les cerner, à m'attacher à eux. Scorfa est un homme que la guerre a rendu fou, et même si certaines de ses pensées philosophiques interpellent, je n'ai pas pu l'apprécier. Cependant, l'objectif de l'auteur est atteint car Scorfa bouscule les convenances. Il est singulier, critique férocement les Etats-Unis, la France, les autorités, et nous impressionne par sa folie. Quant à Anastasie, je l'ai trouvée touchante par moments mais je n'ai pas compris pourquoi elle avait suivi Scorfa spontanément. L'association de ces deux personnages est toutefois détonnante.


"— Je crois que je suis en train de vivre les moments les plus fous de ma vie...
Et je ne suis même pas en colère.
— Plus fort ! J'entends rien !
— C'est pas grave. Roule, vieux biker obsédé... Ca ne me dérange pas que tu sois aussi barge, tant que tu me remplis d'étoiles..." (page 67)

Ce court récit de 160 pages, à la mise en pages aérée, constitué de dialogues et d'extraits de rapports d'audition du colonel Delmar, est tout à fait original. L'idée de cette "tragédie antique contemporaine" est très intéressante. Les dialogues sont crus, les répliques cinglantes, les armes à feu, omniprésentes. L'auteur a même ajouté des références à la mythologie grecque : Scorfa est assimilé à Arès, le dieu de la guerre, alors qu'Anastasie semble être comparée à la déesse de l'amour, de la jeunesse, de la lumière.


— Mais le plus grand adversaire d'Arès, c'est Athéna. Ses plus belles raclées, c'est elle qui les lui met. Devant Illion, elle tabasse l'amante d'Arès, Aphrodite, puis elle assomme le dieu qui avait pris le parti des Troyens ! Sacrée bonne femme.
— Si Arès est aussi con, pourquoi en avoir fait un dieu ?
— Pourquoi ? Mais parce que la guerre, la violence, la colère aveugle font partie du cosmos ! Tout comme la justice, la tempérance et la bienveillance. C'est pour ça qu'existent Arès et Athéna, de la même manière qu'Apollon et Dionysos, ou Aphrodite et Héra, sont les deux faces d'une même puissance. C'est la philosophie de l'équilibre des contraires cher à l'esprit grec !" (page 59).

Autre petite particularité, Erik L'Homme a disséminé dans son roman des références de fantasy (notamment Sauron, Le Mordor, pour qualifier ses ennemis), mais aussi des allusions aux étoiles et aux mégalithes, qui rappellent sa trilogie du Livre des Etoiles. Ces références m'ont fait sourire et m'ont rendue quelque peu nostalgique.


En bref, Erik L'Homme surprend avec son premier roman pour "adultes", Déchirer les ombres. C'est un livre singulier, tout en dialogues, une tragédie antique contemporaine, des réflexions fascinantes sur la guerre, la folie, la vie et la mort. Cependant, ce roman pourrait ne pas emporter l'adhésion de tous les lecteurs tant le propos est souvent cru, violent, les personnages particuliers, la forme, atypique.  Cette lecture a été tout de même assez compliquée pour moi, ne m'étant pas attachée du tout aux personnages. Une expérience de lecture à vivre cependant, pour la rudesse, la richesse et l'intelligence de ce roman.

Déchirer les ombres, Erik L'Homme, Calmann-Lévy, janvier 2018, 160 pages, 16,50 €, format numérique : 11,99 €.


Bonus : la vidéo des éditions Calmann-Lévy 



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A bientôt ^^






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