dimanche 21 janvier 2018

Premières lignes #22 : "Ceux d'ici" de Jonathan Dee

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...


Aujourd'hui, je vous présente les premières lignes d'un des livres événement de cette rentrée littéraire d'hiver, Ceux d'ici de l'écrivain américain, Jonathan Dee. Ma copinaute Gabyelle me l'a offert pour mon anniversaire (merci encore ma belle !). Le rêve américain est-il vraiment mort ? Bonne lecture à vous.


Jonathan Dee, " l'un des meilleurs décrypteurs de l'Amérique contemporaine ", livre un roman magistral sur la middle class et ses désillusions. Captivant et terriblement actuel.
Howland, petite ville du Massachusetts, est un havre de paix pour les vacanciers venus de New York. Mark, lui, fait partie des locaux. Entrepreneur en bâtiment, il peine à joindre les deux bouts. Engagé par Philip Hadi, New-Yorkais richissime, bien décidé à s'installer à Howland, il est fasciné par cet homme qui brasse des millions. Et si le moment était venu pour lui de tenter sa chance ?
Avec son frère, Mark décide de se lancer dans les placements immobiliers.
Lorsque Hadi devient maire de la ville, utilisant ses fonds privés pour faire la pluie et le beau temps, le fossé se creuse encore un peu plus entre le New-Yorkais et les habitants de la petite ville...
Mettant en scène la montée d'un nouvel autoritarisme, c'est la fin du rêve américain que Jonathan Dee décrypte ici de main de maître. Un roman social non seulement brillant, mais aussi inquiétant de réalisme.


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      Ils disaient que tous les rendez-vous étaient annulés, renvoyés aux calendes grecques, que c'était la fin, mais d'où leur venait cette idée ? Par exemple, le métro remarchait, sur certains tronçons. Et donc les gens devaient bien aller quelque part, en retrouver d'autres. Donc ils avaient des rendez-vous. Et mon rendez-vous tenait peut-être toujours. J'ai sorti la carte de mon avocat et tenté d'appeler son bureau, mais les réseaux étaient toujours HS, un jour après. Je ne savais pas quoi faire. Je ne pouvais même pas demander à Yuri ce qu'il en pensait, à cause du téléphone. Et si ce rendez-vous tenait toujours et que je n'y allais pas ? Et si tout le monde venait sauf moi ? L'avocat avait beaucoup insisté, il ne fallait pas que je le rate. Personne ne m'avait dit qu'il était annulé, techniquement parlant, juridiquement parlant ou ce qu'on voudra. Alors j'ai mis mes chaussures. J'avais encore quelques heures devant moi, mais je n'avais rien à faire et en tout cas ce jour-là il y avait que dalle à la télé.
      Broadway était figé, comme une capture d'écran. Personne dans la rue. C'était plutôt génial au début , de l'avoir entièrement pour soi, comme un de ces films de fin du monde. Mais ensuite j'ai aperçu un autobus vide, portes ouvertes, à l'arrêt au milieu d'un carrefour, j'ai commencé à flipper un peu, et j'ai coupé vers l'ouest en direction du parc. Là, on voyait des gens au moins, quelques personnes avec leurs chiens, debout comme des malades mentaux bourrés de médicaments, pendant que les chiens se pourchassaient sur la pelouse. Et puis un peu plus loin j'ai entendu des voix, des voix tonitruantes. Il y a une aire de jeux dans cette partie de Riverside au pied d'une pente raide, entourée d'une clôture. Et c'est là que tout le monde se trouvait, on aurait dit que tout le West Side était là, dans cette aire de jeux fermée. Il y avait foule, les gens étaient appuyés contre la clôture, on aurait dit un centre de détention pour ados, un truc comme ça. Les parents étaient là aussi, en marge, en pleine conversation pendant que les mômes couraient en hurlant comme d'habitude. Enfin pas vraiment comme d'habitude : on était mercredi à onze heures du matin, mais personne n'avait classe. C'est probablement pourquoi ils s'amusaient autant. Techniquement parlant, je ne suis plus censé aller dans des aires de jeux, mais il y avait une telle foule, je me suis dit que personne ne fera attention à moi et je me suis faufilé à l'intérieur.


Ceux d'ici (The Locals), Jonathan Dee, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Elisabeth Peellaert, Plon, collection "Feux Croisés", janvier 2018, 410 pages, 21,90 €.

Je vous souhaite un très bon dimanche plein de belles lectures.


A demain ^^





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