vendredi 19 janvier 2018

"Les Flamboyantes" de Robin Wasserman

Sexe, drogues, Kurt Cobain et satanisme

"Elles n'ont rien de particulier ; deux filles banales.
Sauf qu'ensemble, elles sont radioactives ;
ensemble, elles flamboient."


Présentation de l'éditeur

Battle Creek, 1991. Hannah Dexter est une jeune fille sage et solitaire, cible des sarcasmes de ses camarades de classe. Jusqu’au jour où le meneur de l’équipe de basket est retrouvé au fond des bois avec une balle dans le crâne et un revolver à la main. Cette tragédie, qui ébranle toute la ville, rapproche Hannah de Lacey, la nouvelle du lycée. Bientôt, Lacey et Hannah se jettent corps et âme dans les méandres d’une amitié exclusive, violente et toxique. Se croyant invulnérables, ces filles incandescentes, éprises de rébellion, s’enchantent du chaos qu’elles sèment derrière elles. Mais Lacey traîne un lourd secret qui menace de bouleverser leur amitié…


Mon Avis

Vous serez d'accord avec moi pour constater que certaines personnes que l'on rencontre nous forgent. Elles font ce que nous sommes. C'est le cas pour Hannah et Lacey, deux adolescentes qui se lient d'une amitié sulfureuse. Nous sommes en 1991, dans une petite ville américaine, Battle Creek, là où il est "impossible de chier dans tes propres draps sans voir un voisin débarquer pour te torcher le cul" (ce n'est pas moi qui le dis, c'est le père de Hannah). Bref, dans une petite ville "sans histoire", Craig, lycéen populaire, se suicide d'une balle dans la tête. Ce drame bouleverse toute la ville, sauf Hannah qui n'a pas pleuré, elle n'en voyait pas la raison. Hannah est une jeune lycéenne sage, posée, rondelette, pas populaire, mais ni geek non plus. Elle est transparente pour tous, même parfois pour ses parents. Débarque quelques temps avant la mort de Craig une nouvelle au lycée, Lacey Champlain :


"Lacey Champlain avait un nom de strip-teaseuse et une garde-robe de camionneur, des chemises écossaises et des gros godillots (...). (...) elle était inclassable. (...) il lui était inutile de jouer les gothiques car elle l'était naturellement, vampire de naissance."

Entre ces deux personnages, il y a (évidemment) la peste populaire du lycée, petite amie de Craig, Nikki Drummond, "l'essence même de la pétasse" :

"La copine de Craig : appeler ainsi Nikki Drummond revenait à désigner Madonna comme l'ex-femme de Sean Penn. Avant sa sortie de scène inoubliable et malgré ses trophées sportifs, Craig était insignifiant. Tandis que Nikki Drummond, au moins dans la cosmogonie réduite de Battle Creek High, était Dieu." (empl.156)

Après avoir été humiliée par Nikki, Hannah se lie rapidement d'amitié avec Lacey. Et d'emblée, cette dernière rebaptise Hannah en lui donnant un nouveau nom. Pour la jeune fille, c'est comme une renaissance.

"Je m'appelle Lacey, a-t-elle dit en me tendant de nouveau le poignet,
de biais cette fois, et on s'est serré la main.
— Hannah.
— Non. Je déteste ce prénom. C'est quoi ton nom de famille ?"
Elle me tenait toujours la main.
"Dexter."
Elle a approuvé.
"Dex. C'est mieux. Je peux m'y faire." (empl. 224)

Dès cet instant, Hannah vit en elle-même une troublante dualité. Hannah est sage et obéissante. Dex est rebelle et libre.

"Je n'avais jamais séché les cours. Hannah Dexter ne désobéissait pas. Dex, en revanche, a emboîté le pas à Lacey sans se faire prier (...). Et si Lacey avait proposé de mettre le feu à l'école, Dex n'aurait peut-être pas eu besoin qu'on le lui dise deux fois." (empl. 235)

D'ailleurs, Hannah/Dex assume complètement cette emprise qu'a Lacey sur elle : "Je voyais que ça lui faisait plaisir de nous ancrer dans nos rôles, elle la sculptrice et moi la glaise." (empl.246). 

Le personnage de Lacey est très intéressant. Une mère alcoolique et irresponsable, un père inexistant, un beau-père extrêmement croyant et violent, la jeune fille est constamment en souffrance. Pour l'expier, elle se réfugie dans la musique, notamment dans une passion féroce pour Kurt Cobain (nous sommes en 1991 ^^). 

"La voix de Kurt et la douleur qu'elle provoquait. J'aurais pu vivre et mourir dans cette voix, Dex. Douce et tranchante comme un rasoir, elle me donnait envie de ramper en elle. Chaleureuse, insaisissable et vivante, elle me mettait en sang."

L'arrivée de Lacey est un ouragan dans la vie de Hannah. "Dex" semble être le côté "sombre" de Hannah :

"Dex séchait les cours, buvait de l'alcool, et ne faisait plus ses devoirs, préférant ceux que Lacey lui donnait : étudier les riffs de guitare, déchiffrer la philosophie et la poésie. (...) Hannah Dexter était une fille obéissante. Elle ne mentait jamais à ses parents parce que ce n'était pas nécessaire. Elle avait peur de ce que les gens pensaient d'elle (...). Hannah voulait être invisible. Dex voulait être vue. Dex enfreignait les règles, c'était une menteuse, elle avait des secrets ; Dex était indomptable, ou voulait l'être. Hannah Dexter avait cru au bien et au mal, en un monde juste et ordonné. Dex se ferait sa propre justice, Lacey lui montrerait comment. Lacey m'a dit que ce n'était pas une transformation. C'était une révélation." (empl. 444)

Cependant, cette amitié a des conséquences. Au lycée, elles sont isolées, incomprises, et sont la cible de suspicions. Au sein de la famille de Hannah, une sympathie naît entre son père et Lacey grâce à leur goût commun pour la musique, et la jeune fille se sent exclue de cette nouvelle relation. Quant à la mère de Hannah, celle-ci nourrit une grande méfiance envers la nouvelle amie de sa fille. Et surtout, Lacey entraîne Hannah dans un monde étranger à celui de la petite ville tranquille de Battle Creek, pour un monde inconnu et dangereux. Quelques indices ? Sexe, drogues, satanisme. Jusqu'où cette relation fusionnelle conduira Hannah et Lacey ? 

Dernier point, les personnages de Hannah et Lacey ne sont pas les seuls à susciter l'intérêt. Les mères ne sont pas en reste, notamment celle de Hannah. C'est une femme qui a l'impression de passer à côté de sa vie, qui a été bercée d'illusions. Elle nous montre que qu'être mère d'une fille est loin d'être facile. Touchante, elle se démène pour le bien de sa fille, qui lui échappe de jour en jour.

"Les filles devaient croire en tout sauf en leur pouvoir, parce que si elles savaient de quoi elles étaient capables, imaginez un peu ce qu'elles pourraient faire. 
Elles se disaient que c'était pour le bien de leurs filles. Parfois, la responsabilité était un fardeau, et parfois ce fardeau c'était leur descendance. (...) Elles voulaient voir leurs filles à l'abri du danger. Faire ce qu'il fallait pour rester dans le rang, se soumettre, survivre, grandir. Elles voulaient que leurs filles ne grandissent jamais. Conservent leur flamme pour l'éternité."
(empl. 4811)

Enfin, le style de l'auteure est agréable, fluide, séduisant, même si les mots sont souvent crus. Dans Les Flamboyantes, il y a de la violence, de l'alcool, de la drogue, du sexe, et même du satanisme, avec un passage qui oscille entre réalité et cauchemar. Ce récit à deux voix (Hannah et Lacey) est un roman choc sur l'adolescence, sur cette quête de l'identité, mais aussi sur la vengeance. 

En bref, Les Flamboyantes est un roman choc remarquable sur une relation ultra-fusionnelle entre deux adolescentes, entre amour et haine, qui se révèle dangereuse. C'est également une histoire de vengeance, sur fond d'alcool, de sexe, de drogue et rock n'roll. Attention, les mots sont crus, quelques scènes sont difficiles, mais cette amitié sulfureuse est fascinante. Quant à la fin, elle semble "légère" pour certains lecteurs-blogueurs, cependant, elle donne à réfléchir. Cruel, captivant et scandaleux, Les Flamboyantes marque les mémoires. 


Les Flamboyantes (Girls On Fire), Robin Wasserman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru, Fayard, janvier 2018, 416 pages, 23 €, format numérique : 15,99 €.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard !


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A bientôt ^^






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