dimanche 8 octobre 2017

Premières lignes #10 : "L'Empire de sable" de Kayla Olson

Ce rendez-vous hebdomadaire a été créé par Ma Lecturothèque.

Le principe est simple : il s’agit de présenter chaque semaine l’incipit d’un roman.

Ce rendez-vous est très intéressant car il nous permet de découvrir en quelques lignes un style, un langage, un univers, une atmosphère.

On choisit le livre que l'on veut : un coup de cœur, une lecture actuelle, un livre de sa PAL, un emprunt à la bibliothèque...

Comme vous pouvez le constater, j'ai décidé de programmer ce rendez-vous le dimanche et non plus le vendredi, histoire de mieux répartir les rendez-vous littéraires dans la semaine. 
Que diriez-vous de lire les premières lignes de la nouvelle dystopie du moment publiée dans la collection R ? Vous allez succomber. Let's go !




1.




     Je ne regretterai pas ces matins.
    Je ne regretterai pas le sable, l'océan, l'air marin. Le bois usé du vieux ponton plein d'échardes qui s'incrustaient sous ma peau. Je ne regretterai pas ce soleil, radieux, aveuglant, projecteur braqué sur moi tandis que je regarde et que j'attends. Je ne regretterai pas le silence. 
     Non, je ne regretterai vraiment pas ces matins-là. 
     Jour après jour, tant qu'il fait encore sombre, je me faufile jusqu'au ponton. J'ai travaillé dur pour parvenir à ce résultat. Pour donner l'impression de n'être qu'une fille qui aime les levers de soleil, une fille qui ne s'emporterait jamais si on la bousculait - du moins une de ces propositions est-elle vraie. C'est à peine si les gardes sur la plage jettent encore un œil dans ma direction. Cette inhabituelle indifférence est le fruit de ma constance, de ma patience. Deux années de constance et de patience. Tous les matins depuis que les Loups nous ont arrachés aux vies que nous chérissions pour nous entasser dans des goulags. Je m'assois là où les gardes peuvent bien me voir - là où je peux bien les voir, là où je peux tout voir. Je regarde l'eau, je regarde les vagues. Je ne regarde pas que l'eau. Je ne regarde pas que les vagues. Je cherche des failles.
     Il n'y en a eu aucune jusqu'à présent. La routine des gardes est immuable, impénétrable : seule raison pour laquelle je ne me suis pas encore évadée. Je le ferai, pourtant. Je suis un oiseau, déterminé à voler en dépit de ses ailes rognées et de ses pattes brisées. Cette île qui me tient lieu de cage ne me retiendra pas éternellement.
     Un jour, quand la guerre sera finie, je remangerai des glaces. Je courrai pieds nus sur la plage sans avoir peur de sauter sur une mine. J'entrerai dans une librairie, ou un café, ou n'importe lequel des centaines d'autres endroits occupés par les Loups, et j'y resterai assise pendant des heures, juste parce que je le peux. Je ferai tous ces trucs, et bien plus encore. Si je suis toujours vivante.


L'Empire de sable (The Sandcastle Empire), de Kayla Olson, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frédérique Le Boucher, Robert Laffont, Collection R, sortie le 21 septembre 2017, 480 pages, 17,90 €.

Je vous souhaite un très bon dimanche et de belles lectures.

A demain ^^







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