mardi 5 décembre 2017

"Eleanor Oliphant va très bien" de Gail Honeyman

Eleanor, atypique jeune femme,
hantée par son passé

"Quand le silence et la solitude m'enveloppent, m'oppressent et me rongent comme la glace, j'ai besoin de parler à voix haute, ne serait-ce que pour me prouver que je suis en vie."



Présentation de l'éditeur :

Eleanor Oliphant est un peu spéciale.
Dotée d'une culture générale supérieure à la moyenne, peu soucieuse des bonnes manières et du vernis social, elle dit les choses telles qu'elle les pense, sans fard, sans ambages.
Fidèle à sa devise " Mieux vaut être seule que mal accompagnée ", Eleanor évite ses semblables et préfère passer ses samedis soir en compagnie d'une bouteille de vodka.
Rien ne manque à sa vie minutieusement réglée et rythmée par ses conversations téléphoniques hebdomadaires avec " maman ".
Mais tout change le jour où elle s'éprend du chanteur d'un groupe de rock à la mode.
Décidée à conquérir de l'objet de son désir, Eleanor se lance dans un véritable marathon de transformations. Sur son chemin, elle croise aussi Raymond, un collègue qui sous des airs négligés, va lui faire repousser ses limites.
Car en naviguant sur les eaux tumultueuses de son obsession amoureuse et de sa relation à distance avec " maman ", Eleanor découvre que, parfois, même une entité autosuffisante a besoin d'un ami...


Mon Avis 

Je me suis complètement trompée sur Eleanor Oliphant. Je pensais avoir à faire à une sorte de Bridget Jones, à quelqu'un de loufoque, décalé, qui avait juste besoin d'un coup de pied aux fesses pour qu'elle cesse de se plaindre et de se goinfrer tous les soirs devant la télévision.
Non, Eleanor n'est pas comme cela. Elle a trente ans, elle est comptable dans une entreprise de design graphique, elle nous dit qu'elle a un physique plutôt moyen et elle est célibataire. D'accord, mais en quoi est-elle différente de l'héroïne d'Helen Fielding ? Elle est plongée dans une solitude morne et permanente. Elle n'a pas d'amis, pas de famille, hormis sa mère qu'elle appelle tous les mercredis soirs. Elle boit ses deux bouteilles de vodka qu'elle étale sur le week-end, "pour n'être jamais ni soûle ni sobre". En outre, Eleanor est très intelligente. Férue de mots croisés et curieuse de tout, elle est dotée d'une culture générale très riche. Jane Eyre et Raison et sentiments comptent parmi ses romans préférés. Parfois, son franc-parler et son manque de tact créent des situations cocasses. 


"Mon téléphone ne sonne pas souvent, je sursaute quand ça arrive et, la plupart du temps, ce sont des gens qui me demandent si j'ai souscrit une assurance crédit protection. Je murmure : "Je sais où vous habitez", et je raccroche délicatement." (page 16)

Néanmoins, ces passages peuvent être drôles, mais ils nous semblent beaucoup plus sérieux lorsqu'Eleanor évoque sa souffrance, celle d'être toujours seule chez elle. Elle ne reçoit aucun coup de fil. Personne ne vient la voir. Elle n'a jamais d'invité. Eleanor, lorsqu'elle parle de sa souffrance, est terriblement attachante. On comprend que c'est un personnage profondément triste et hantée par son passé, dont elle n'en parle que par bribes.

"Il y a des jours où je me sens si peu attachée à la Terre que les fils qui me relient à la planète sont fins comme ceux d'une toile d'araignée, comme du sucre filé. Une grosse bourrasque suffirait à m'en détacher ; je m'élèverais et serais emportée comme des aigrettes de pissenlit." (page 16)

A cause de cette solitude qui la ronge, Eleanor ne connaît pas tout à fait les codes en ce qui concerne les relations avec les autres, ce qui la rend maladroite dans ses propos.

Passé tourmenté

Eleanor ne confie pas son passé d'un bloc au lecteur. Elle parvient à lui en dire plus en disséminant des indices ici et là, dans le récit. Pourquoi avait-elle un œil au beurre noir, un bras cassé et quelques dents en moins lorsqu'elle a passé son entretien d'embauche, comme on l'apprend dès les premières lignes ? Pourquoi se qualifie-t-elle de femme repoussante ? Pourquoi entretient-elle une relation si compliquée avec sa mère ? Eleanor ne se confie pas totalement à nous. Elle évoque des brefs épisodes de son enfance, nous parle de la ressemblance de sa vie avec celle de Jane Eyre, mais elle ne s'y attarde pas. Comme si elle était encore sous le choc. On la sent poursuivie, hantée par son lourd passé.

Transformation

Un événement majeur va survenir dans la vie réglée d'Eleanor : elle tombe amoureuse d'un chanteur d'un groupe de rock local. Elle le sait, c'est l'homme de sa vie. Soudainement, elle va d'elle-même changer le cours de son existence : elle achète un ordinateur avec une connexion internet, elle lit de la presse féminine, elle va chez l'esthéticienne, le coiffeur, etc. Mais même si certains passages sont drôles (notamment chez l'esthéticienne), le mal-être d'Eleanor n'est pas totalement dissipé. Elle a besoin d'autre chose en plus. Quelque chose de primordial.

"J'ai toujours été fière de mener ma barque seule. Je suis une survivante - je suis Eleanor Oliphant. Je n'ai besoin de personne, il n'y a pas de grand vide dans mon existence, il ne manque aucune pièce dans mon puzzle. Je suis autosuffisante."
(page 19)

L'espoir

Eleanor croise sur son chemin Raymond, son nouveau collègue informaticien, un jeune homme qu'elle qualifie gentiment de "porcin". Et pourtant, cette rencontre est un tournant dans sa vie, et cette amitié va en engendrer d'autres. Et alors qu'Eleanor est hantée par son passé douloureux, murée dans une profonde solitude, la jeune femme entrevoit, avec ces nouvelles relations, un avenir beaucoup plus riche et serein. Cependant, arrivera-t-elle à se délivrer de son passé ? Pourra-t-elle le dépasser et vivre enfin la vie qu'elle aura choisie ? Et réussira-t-elle à conquérir le cœur de son musicien ?


En bref, Eleanor Oliphant va très bien est un livre bouleversant, avec un personnage central inoubliable et férocement attachant. Eleanor est surprenante. On ne s'attendait pas à se trouver face à une jeune femme qui, sous ses airs de vieille fille, souffre terriblement, accablée par le chagrin et la solitude. C'est un roman parfois drôle (franchement très drôle quelques fois) et émouvant, faisant la part belle à l'espoir, à l'amitié. Et à l'amour.






Eleanor Oliphant va très bien (Eleanor Oliphant Is Completely Fine), de Gail Honeyman, traduit de l'anglais (Ecosse) par Aline Azoulay-Pacvon, Fleuve Editions, 432 pages, septembre 2017, 19,90 €, format numérique : 14,99 €.

A bientôt pour une prochaine chronique ^^







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