jeudi 7 décembre 2017

"Et au milieu coule une rivière" de Norman Maclean

Bénie soit la Big Blackfoot River

Les éditions Rivages rééditent un chef-d'œuvre de la littérature américaine, Et au milieu coule une rivière, un roman autobiographique dans lequel Norman Maclean nous confie ses souvenirs les plus vivaces de son esprit.




Présentation de l'éditeur

Classique de la littérature américaine, ce texte bouleversant raconte l'enfance de Norman Maclean dans les Rocheuses, au sein de paysages magnifiques dont chaque relief transforme en profondeur les êtres qui y vivent. La famille et la nature apparaissent comme les piliers originels de Norman et Paul, le frère adoré, pêcheur hors pair, irrésistible mauvais garçon. Un dialogue silencieux s'instaure avec les rivières et les montagnes, qui apprennent plus que les mots eux-mêmes. Avec un talent et une poésie exceptionnels, Maclean capture la lumière bénie des jours disparus.


Mon Avis

Lorsque Norman Maclean écrit son roman autobiographique, il a 74 ans. C'est d'ailleurs son seul et unique roman publié (en 1976). Il nous relate son enfance dans la région des Rocheuses, dans le Montana, au début du XXe siècle. En quoi ce roman est considéré comme un chef-d'oeuvre de la littérature américaine ? Si vous avez vu le film de Robert Redford (qui signe la préface de cette réédition), peut-être avez-vous la réponse à cette question. Si vous ne l'avez pas vu - comme moi -, je vous en parle maintenant.

La famille Maclean s'installe dans le Montana en 1909, dans une région montagneuse où règnent silence, nature et solitude. Le père de l'auteur est révérend. Il est exigeant mais aimant envers ses deux fils. Sa mère est une femme discrète, qui consacre son temps et son énergie à sa famille. Son frère, Paul, est l'enfant terrible. Il est l'exact opposé de son frère : Paul aime les paris, l'alcool et les femmes ; Norman dépeint un portrait plutôt parfait de lui-même, il est posé, discret, et mène de brillantes études. Ils sont très différents l'un de l'autre mais il existe un lien très fort entre eux. Ce qui les rapproche, ce pourrait être la pêche, qui se révèle être un véritable art de vivre pour les deux frères. 

"J'avais beau penser à lui comme à mon petit frère, je ne pouvais pas le traiter en gamin. Il n'était pas "le gosse". C'était un maître dans l'art de la pêche au fouet. Il n'avait pas besoin des conseils de son grand frère, ni de son fric, ni de son aide. Ni alors, ni jamais, je n'ai pu lui venir en aide." (page 21)

La pêche prend beaucoup de place dans le roman. Elle n'est pas un loisir pour le père et les fils Maclean, c'est une religion. Ces passages narratifs ont un effet étonnamment reposant sur le lecteur.

"La pêche est vraiment un monde à part, qui n'a rien à voir avec aucun autre. Au sein de ce monde, il y a une série d'univers distincts les uns des autres. On pêche les gros poissons dans des rivières qui ont peu d'eau. C'est un monde qui, dans l'eau et hors de l'eau, n'est pas assez vaste pour contenir à la fois le poisson et le pêcheur." (page 75)

La rivière et son rôle primordial

The Big Blackfoot River
Source : WA Franke College of Forestry & Conservation -
University of Montana
Le thème de l'eau est omniprésent dans le roman de Norman Maclean. La rivière, qui se nomme la Big Blackfoot, le traverse et en devient rapidement le personnage central. Avec l'activité de la pêche, la rivière est le lien entre les générations, elle renferme la mémoire, les souvenirs. Ce roman est un hommage à la nature, à cette rivière qui a rythmé leurs vies. C'est également le récit nostalgique d'un temps qui est révolu.

"Il faut dire également que la Big Blackfoot est la rivière que nous connaissions le mieux, mon frère et moi. Nous avions commencé à y pêcher peu après le début du siècle - et notre père avant nous. Nous la considérions comme la rivière de la famille, elle faisait pour ainsi dire partie de nous, et c'est bien malgré moi que je dois aujourd'hui la céder aux ranchs pour touristes, au tout-venant des habitants de Great Falls et aux envahisseurs barbares de Californie." (page 32)

Un hommage à l'Amérique

Le roman de Norman Maclean est parsemé de symboles de l'Amérique et ses principes fondamentaux. La famille est ici un thème fort présent. Elle est unie malgré leurs différences. Il y a également la foi, la religion dont le roman est empreint.

Enfin, dernier argument pour vous donner envie de découvrir ce roman, c'est... son excipit. L'auteur clôt son roman avec un paragraphe extrêmement bien écrit, aux allures poétiques, d'une beauté saisissante. La traduction de Marie-Claire Pasquier sublime les derniers instants de notre lecture. Je ne peux pas faire autrement que de citer l'excipit ci-dessous. 

"A la fin, toutes choses viennent se fondre en une seule, et au milieu coule une rivière. La rivière a creusé son lit au moment du grand déluge, elle recouvre les rochers d'un élan surgi de l'origine des temps. Sur certains des rochers, il y a la trace laissée par les gouttes d'une pluie immémoriale. Sous les rochers, il y a les paroles, parfois les paroles sont l'émanation des rochers eux-mêmes. 
Je suis hanté par les eaux." (page 174)

En bref, merci aux éditions Rivages de rééditer le lumineux Et au milieu coule une rivière, chef-d'œuvre de la littérature américaine. Cette rivière omniprésente, qui sillonne le roman, est le lien entre les générations, elle est la mémoire et les souvenirs, elle est le témoin d'un temps révolu. Dans ce monde solitaire, serein et magnifique, Norman Maclean met en lumière l'importance de la pêche, véritable religion, de la nature et de la famille. Préfacée par Robert Redford, le réalisateur du film inspiré du livre, cette nouvelle édition est un vrai petit bijou. A lire d'urgence !

  
Et au milieu coule une rivière (A River Through It), Norman Maclean, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie-Claire Pasquier, Rivages, novembre 2017, 174 pages, 19 €, format numérique : 12,99 €.



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A bientôt pour une prochaine chronique ^^





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